Hérésie
Hérésie
Doctrine jugée contraire à la foi et condamnée comme telle par l’Eglise catholique (par exemple, l’hérésie cathare). Le terme grec hairesis signifie « préférence », « choix », puis « dissidence », « opinion séparée ». Par extension, il s’applique à toute doctrine tenue pour contraire aux dogmes établis par les représentants d’une religion donnée. Le sens commun qualifie ainsi toute opinion, ou conception, voire toute pratique en opposition avec les idées communément admises. La notion d’hérésie a joué un rôle majeur dans la répression temporelle, et pas seulement spirituelle, de ceux qui ne « croyaient pas comme il faut », ou ne croyaient pas du tout.
Ainsi, dès les temps apostoliques, le christianisme en vient à définir des hérésies « judaïsantes » ou « hellénisantes », qui portent sur la nature propre de Jésus-Christ. Est-il seulement un homme ? Est-il un dieu ou du moins un personnage divin ? Aux IVe et Ve siècles, l’hérésie « arienne » soutenue par le prêtre Arius se constitue contre le dogme de la Trinité. Celui-ci associe trois « personnes » dans l’unité ainsi complexifiée de la référence divine : le Père, le Fils, et le Saint-Esprit. Elle réaffirme un monothéisme strict de l’unicité de la divinité, attribuée au seul Père. L’islam, refusant plus tard les « associants », reprendra cette idée en insistant pour dire qu’« il n’y a de dieu que Dieu ».
A partir du XIe siècle, d’autres « hérésies » voient le jour, qui ne portent plus seulement sur la doctrine mais aussi sur l’observance de la pratique religieuse et l’organisation interne de l’Eglise. L’hérésie cathare met en jeu une théologie quasiment dualiste, en insistant sur l’importance prise par le principe du mal dans le monde. A cette théologie s’articule une nouvelle conception des sacrements et de la liturgie. Les hérésies mettent parfois en cause le rôle du sacerdoce, qui est soupçonné de ne plus respecter les textes sacrés, ou d’en donner des interprétations contestables. Lors de son émergence, au début du XVIe siècle, la Réforme est d’abord considérée comme un mouvement hérétique. C’est ainsi qu’est traité Luther, qui s’insurge contre la corruption qu’atteste le système des indulgences (promesses de rémission des péchés contre espèces sonnantes et trébuchantes). Les religions réformées du XVIe siècle, désignées sous le nom générique de « protestantisme », sont condamnées avec force, et une contre-Réforme de grande ampleur est lancée par l’Eglise, qui se sent menacée. Les protestants font scission et créent leurs propres institutions religieuses.
Les huit guerres de Religion que va connaître le royaume de France jusqu’à l’édit de Nantes montrent l’âpreté du débat et attestent une sorte de paradoxe : deux religions dites d’amour s’entretuent. Aujourd’hui, dans le cadre du reflux général de la pratique des vocations religieuses, l’Eglise s’oriente plutôt vers l’œcuménisme interreligieux, tout en concentrant ses condamnations sur les réalités profanes ou les conceptions éthiques et humanistes qui font l’économie de Dieu. L’Eglise n’a certes plus les moyens de traiter l’hérésie athée comme elle traita les hérésies cathare ou protestante, mais la violence verbale des condamnations reste de rigueur, et l’œcuménisme prêché n’est qu’une sainte alliance des clergés, qui n’a rien d’universel puisqu’elle laisse en dehors d’elle les sagesses et les éthiques athées ou agnostiques.
Dictionnaire amoureux de la Laïcité