Fanatisme
Fanatisme
Revenons à l’étymologie, si instructive : profanus, en latin, veut dire « hors du temple ». Hors du temple point de salut. Fanum, c’est le temple. Fanaticus signifie « ce qui se rapporte au temple ». Le fanaticus est l’être inspiré, en délire, qui se croit et même se vit comme transporté ou habité par la divinité, à l’instar des prêtres de Cybèle qui entraient en transe pendant le culte rendu à la déesse. D’où le sens courant du mot « fanatique » : qui se croit inspiré par la divinité, illuminé, habité par une passion aveugle et sans bornes.
On sait ce que le fanatisme implique de violence, d’intolérance, de haine de l’autre. Dans le cas du « fanatisme », la conscience adhère totalement et sans nuance à une croyance, au point que la raison s’en trouve asphyxiée. Le fanatique abdique toute exigence de distance à soi et de lucidité intellectuelle, et en vient à méconnaître toute distinction entre croire et savoir. Nul être humain ne mérite pour lui respect s’il ne se conforme pas à sa prétendue vérité. Le fanatisme articule une façon d’être à une conception des choses, et c’est à ce double titre qu’il convient de l’examiner avec lucidité. Le fanatique ne connaît pas la sérénité. La croyance envahissant l’être et absorbant en elle tous les autres registres de la conscience se fait totalitaire. Elle ne laisse aucun répit et ne ménage aucune distance. La hargne du fanatique voire la cynique froideur de sa résolution sont les affects inquiétants d’un tel monolithisme. Il n’y a plus dès lors place pour le doute, cette vigilance de soi sur soi, ni pour la conscience réflexive qui distingue savoir et croire, avoir la foi et connaître. Dans ce cas de figure, la croyance religieuse devient aveuglement solipsisme (mot à mot : « fait d’être seul avec soi-même »), fermeture à l’autre.
Sans le doute, sorte d’inquiétude et de modestie intérieures, la ferveur de la foi devient enfermement, dogmatisme, voire obscurantisme. Le fanatisme a montré à de multiples reprises sa dimension mortifère. Les « fous de Dieu », quelle que soit la religion dont ils se réclament, oublient la libre spiritualité qui se vit comme témoignage délié. On sait que l’absence de distance à soi et de conscience réflexive signe la posture mentale du fanatisme et que sa traduction concrète en est la froide détermination à tuer ou à détruire.
Pour conclure, une brève citation de Jean-Jacques Rousseau, tirée du Contrat social : « La terre entière regorgerait de sang et le genre humain périrait bientôt si la philosophie et les lois ne retenaient les fureurs du fanatisme, et si la voix des hommes n’était plus forte que celle des dieux. »
Henri Pen-Ruiz Dictionnaire amoureux de la Laïcité